Marie - Madeleine Dubé
Je m'appelle Marie-Madeleine Dubé. Je suis née d'une mère haïtienne et d'un père québécois et j'ai toujours grandi au Québec. J'ai passé plusieurs fois des années en Haïti et j'ai trois merveilleux enfants, et je suis infirmière à Montréal avec des petits bébés en post-partum. Alors les traces, pour moi, ça évoque beaucoup de choses. Ma mère est haïtienne et mon père est québécois et donc je suis mélangée comme personne. Et avoir des tresses, j'ai toujours aimé ça, parce que ça amène plus un côté noir chez moi. Et j'ai toujours été fière d'être noire. Mais en même temps, quand même, quand j'étais petite, se faire tresser, ça faisait mal quand maman nous tressait. Mes parents étaient séparés. Puis, elle nous faisait toujours un peu plus mal quand elle nous tressait pour aller chez papa. Donc c'était l'expérience qu'on avait, c’est qu'on ne voulait pas se faire tresser avant d'aller chez papa, parce que ça faisait toujours plus mal.
Mais sinon, ce que j'aimais beaucoup aussi quand j'étais petite, quand j'avais des tresses, c'est quand on les défaisait, les tresses. Parce que quand on défait les tresses, on a les cheveux comme ça là, comme j'ai maintenant avec plein de vagues. Et on gardait les tresses, le tresses-out, comme on appelle ça maintenant, et on le gardait plusieurs jours. Et là, j'avais l'impression d'être très belle avec mon tresse-out, encore plus qu'avec les tresses. Puis les tresses décollées sur la tête ça fait moins mal. Mais quand maman nous faisait des petites tresses collées, les «ti kouri», comme on dit en Haïti, ça, ça faisait vraiment, vraiment mal. Mais bon, ça dure plus longtemps, donc on aime ça.
Puis j'ai grandi comme ça, avec les cheveux tressés souvent, toujours tressés par ma mère ou des fois tressés par ma grande sœur. Puis quand moi, je suis devenue maman à mon tour, j'ai commencé à tresser mes filles. Donc, ma première fille, je savais faire des tresses décollées bien sûr, et je la tressais tout le temps en tresses décollées. Mais à un moment, je trouvais que c'était pas assez, qu'il fallait que je retrouve un côté plus noir et je voulais lui faire les ti kouri et tout. Et je ne savais pas faire les tikouri. Donc ce qu'on faisait au début avec maman pour que j'apprenne, quand je tressais ma fille Florie, je lui tressais l'arrière de la tête, les tresses qu'on n'allait pas voir vraiment. Et puis la tresse qui allaient être devant, qui allaient être belles c’est maman qui les tressait. Comme ça. J'ai appris à faire des ti kouris. Donc je faisais plusieurs fois. Quand j'ai commencé à tresser les tikouris, Florie, je lui faisais juste l'arrière et maman faisait à l'avant. Et donc c'est comme ça que j'ai appris. Puis, à un certain moment, je me suis dit «Bon, je suis assez bonne maintenant pour faire des tresses partout», et c'est moi qui commence à tresser ma fille.
Et après ça, j'ai eu une deuxième fille que j'ai tressé aussi. Mon expérience de tresses avec mes filles, c'est spécial. Parce que quand tu tresses un enfant, il est vraiment pas content. Il a mal et il se plaint et il reste pas dans la bonne position. Et c'est dur, c'est dur de le maintenir et il est fâché contre toi et tout.. Et c'est donc une expérience un peu bizarre parce que quand tu tresses l'enfant il est fâché. Mais aussitôt que la tête est finie, il y a comme une fierté et l'enfant est tellement content. Il va se regarder dans le miroir et a choisi son modèle de tresse. Et donc c’est un souvenir de tresser mes filles qui sont des adultes maintenant. C'est un souvenir agréable quand même au bout du compte, même si le processus pour se rendre au bout de la tresse était toujours un peu douloureux disons, un peu. Donc c'est ça, je ne sais pas trop quoi ajouter.
Je sais que mes filles, elles ont gardé comme moi aussi, même adultes, on a gardé les tresses dans notre culture donc même adultes, on se fait des tresses. C'est sûr qu'avec le temps, les tresses avec l'ajout de cheveux, là, les "rastas", comme on dit comme ils font. Mes filles, ont préféré ça parce que ça faisait moins “petite fille” que les ti kouris et tout. Donc elles ont fait des tresses, beaucoup de tresses rastas et ça, les tresses avec les rastas, avec les faux cheveux, avec les mèches. Ça, j'ai jamais appris à le faire, jamais appris. Et donc elles ont commencé à se faire tresser par d'autres personnes. Et puis elles ont réalisé à ce moment-là que finalement, je leur faisais pas si mal que ça, quand c'était d'autres personnes qui ont commencé à les traiter avec des rasta. Elles ont réalisé que : ouf ! Finalement, maman faisait pas si mal que ça lorsqu'elle faisait des tresses donc c’est un peu ça.