Amelie Eloundou
Bonjour, je m'appelle Amélie Eloundou.
Alors je suis d'origine; je suis moitié haïtienne, moitié camerounaise.
Ma mère est Haïtienne. Mon père était Camerounais.
Donc je suis née au Cameroun. Je ne suis pas née au Canada ni en Haïti.
Je suis née au Cameroun. J'y ai vécu une bonne partie de ma vie, en tout et pour tout, peut-être une dizaine d'années.
Alors, mon rapport avec les tresses.
Evidemment, je me fais faire des tresses par ma mère depuis que je suis toute petite. Probablement parce qu'avec notre type de cheveu, c'est la façon la plus facile de nous coiffer. Et aussi probablement, parce que c'est une coiffure qui peut rester quand même relativement longtemps.
Donc on n'est pas obligé de refaire tous les jours. Mais qui prend quand même son temps quand on le fait.
Donc, j'ai fait des tresses toute mon enfance. Peut-être jusqu'à l'âge de onze, douze ans.
Ou à douze ans, évidemment, à mon époque, parce que moi je suis des années 70. A mon époque, douze ans c'était l'âge pour défriser ses cheveux. C'était notre but, c'était d'arriver là, puis défriser nos cheveux.
J’ai défrisé mes cheveux pendant longtemps, peut-être quatre ans, sans faire de tresses.
Et quand je suis rentrée à l'université, j'ai recommencé à me faire tresser pour plusieurs raisons.
Encore une fois, la facilité. Aussi, il ne faut pas se le cacher, ça permet d'avoir des cheveux plus longs parce que nos cheveux prennent plus de temps à pousser.
Donc on aime bien ça.
Donc je me suis tressée en alternance. Mes cheveux étaient défrisés. Je me coiffais avec mes cheveux défrisés et je me tressais.
Pour moi, c'était beau.
C'était une façon aussi de faire ressortir mes origines, mes origines africaines, mais aussi mes origines noires évidemment. Parce que c'est une coiffure qui est plus associée aux noirs.
Par rapport à ma famille, évidemment pas pour ma mère, mais, en Haïti, pour ma famille, la famille de la parenté de ma mère, les tresses c'était mal vu. Parce que les tresses, ça représentait l'esclavage. Ça représentait la couleur noire. Qui, en Haïti, n'est pas très valorisée.
Donc, plusieurs fois, j'ai eu des remarques de ma grand mère, de certaines de mes grandes tantes que je ne devais pas me tresser. Que j'étais beaucoup plus belle avec les cheveux lisses.
Peut-être que j'étais un peu rebelle, parce que non ça ne m'intéressait pas. Donc moi j'ai poursuivi pas mon combat, mais j'ai poursuivi ma conviction de me tresser. Parce que j'aimais ça et j'aime ça.
Aujourd'hui, je continue à me tresser.
Je sais qu'il y a des personnes qui me disent, des personnes noires particulièrement, qui me disent qu'ils ne se coiffent pas pour aller au travail quand c'est trop professionnel. Moi, je travaille dans le domaine de la comptabilité, je travaille pour le gouvernement du Québec, je travaille dans un bureau de direction et je n'ai aucune honte ou gêne à me tresser.
Pour moi, c'est tout à fait naturel et c'est une coiffure comme une autre.
Mais je sais qu'il y a des personnes de ma communauté aussi qui, pour eux : “Se tresser? Non. Vaut mieux avoir les cheveux lisses, se faire des beaux chignons ou se laisser les cheveux lâchés.”
Par la suite entre-temps, évidemment, j'ai eu ma fille.
Ma fille, elle, qui a son père qui est d'origine haïtienne.
Et elle aussi, tout comme ma mère, toute petite, moi j'ai commencé à la tresser. Pour tout ce qui était facilité. Parce que c'est comme ça qu'on coiffe nos cheveux. C'est comme ça. Je l'ai tressée.
Je m'attendais à ce qu'elle aussi vers l'âge de onze, douze, treize ans, me demande probablement de défriser ses cheveux.
Mais bon, elle, elle était peut être d'une époque un peu différente de la mienne. Donc là, c'est les cheveux au naturel qui devenaient à la mode.
J'ai cette fierté là qu'elle ne m'a jamais demandé de défriser ses cheveux.
Et qu'elle ait poursuivi le combat à se battre elle-même avec ses cheveux.
Parce que ce n'est pas facile.
Et aujourd'hui, elle aussi, en alternance, elle va soit coiffer ses cheveux naturellement ou encore, de temps en temps, se faire des tresses.
Et puis je suis très fière de ça.
J'espère qu'elle va poursuivre dans cette aventure, tout comme moi.